Les charges de copropriété, présentant un caractère très technique, doivent être abordées en plusieurs séquences bien différentes.
Le droit positif a subi, dans le temps, de profonds fléchissements successifs. En 1804, les auteurs du Code Napoléon n’étaient pas en mesure de discerner le développement que prendrait le régime de la copropriété en France. Il n’a pas été établi une organisation légale de la copropriété, notamment une répartition des charges de copropriété. Un acte constitutif de copropriété se limitait, en pratique, à un état de répartition des charges communes de toute nature entre les copropriétaires de la maison de la même façon que la propriété des choses communes, conformément aux usages reçus
UNE PREMIÈRE LOI EN 1938.
Il faut attendre la loi du 28 juin 1938 qui va établir un texte concernant le régime de la copropriété et ainsi des règles adaptées à la répartition des charges de copropriété. Le caractère supplétif de ce texte laissait, cependant, une part trop large à l’initiative des intéressés quant à l’organisation de la gestion des immeubles pour échapper aux critiques faites à cette loi. Celle-ci dotait, pour la première fois, la copropriété par appartements d’un véritable statut par rapport à l’état de droit antérieur. Mais l’ampleur de ses insuffisances s’accroît au fur et à mesure que la copropriété par appartements se généralise. Elles concernent, entre autres, les absences d’équité dans la répartition des charges entraînées par les éléments d’équipement.
UNE LOI IMPÉRATIVE EN 1965.
D’une loi de 1938 supplétive, la loi du 10 juillet 1965 est impérative pour la plupart de ses dispositions. Elle instaure et répartit les charges de copropriété en deux catégories : celles relatives aux entretiens et à la conservation des parties communes de l’immeuble et celles afférentes aux services collectifs et éléments d’équipement communs. Le législateur prend soin de définir des critères sûrs et objectifs. La répartition des charges fixée par le règlement de copropriété est en principe immuable et ne peut être modifiée qu’à l’unanimité des copropriétaires, sauf quelques exceptions. La loi de 1965 remédie à d’éventuelles anomalies pouvant affecter ce mécanisme et organise la révision des répartitions de charges lésionnaires. Les copropriétaires peuvent contester cette répartition fondée sur des critères légaux, mais dont les résultats apparaissaient déséquilibrés. Aucune autre action ne paraît possible, car l’un des objectifs essentiels de la loi du 10 juillet 1965 est de placer la copropriété sous la tutelle des tribunaux. Ils peuvent se substituer à l’assemblée générale des copropriétaires en faisant le travail en ses lieu et plac, comme la révision de la répartition des charges de copropriété, et en fixant de nouvelles conditions de répartition.
VERS ENCORE PLUS DE TRANSPARENCE À PARTIR DE 2000.
Toutefois, un besoin de transparence, parmi des préoccupations consuméristes, apparaît avec la loi SRU du 13 décembre 2000 qui impose dans le règlement de copropriété l’indication des éléments pris en considération et de la méthode de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges. Mais la réalité évolue. La question des charges revêt aujourd’hui une importance grandissante dans le budget des ménages devenus sensibles à leurs augmentations, variations et répartitions découlant d’obligations contraignantes, imposées par le législateur. Face à cette nouvelle réalité, naît, en 1990, une action d’origine prétorienne en déclaration d’illégalité de la répartition des charges. Les tribunaux sont de plus en plus saisis d’actions fondées, non point sur un déséquilibre résultant de la répartition des charges pouvant faire l’objet d’actions en révision, si les conditions de délai, de recevabilité et d’exercice de l’action sont remplies, mais sur une violation des critères légaux de répartition des charges. Mais le copropriétaire doit démontrer la violation des critères légaux et réunir les conditions d’exercice de l’action. Vont donc apparaître, outre l’action en contestation pour erreur sur le compte individuel d’un copropriétaire, deux grands types de contestation : l’action en révision cherchant à rétablir un équilibre et l’action en nullité cherchant à rétablir la légalité. Dans ce contexte, les juges du fond sont invités à se diriger vers trois orientations principales pour résoudre les contestations en cette matière. Le Par Me Laure Bellin, avocat au Barreau de Grenoble. Les charges de copropriété, présentant un caractère très technique, doivent être abordées en plusieurs séquences bien différentes. Les charges de copropriété à l’épreuve du temps LES AFFICHES DE GRENOBLE ET DU DAUPHINÉ 77 6 MARS 2020 LES PAGES DU BARREAU Le changement le plus important tient au fait qu’à compter du 1er juin 2020, tous les règlements de copropriété devront indiquer les éléments pris en considération et la méthode de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges. premier est que plus ils se rapprocheront des techniques propres aux équipements communs et aux services collectifs, plus les états de répartition se révéleront objectifs. La deuxième est que plus les tribunaux prendront en considération la fonction, la structure et la forme, en tant qu’éléments constitutifs du bâtiment, plus ils seront en contact avec la réalité immobilière. La troisième est que plus la distinction opérée par le législateur de 1965 est respectée, plus ils seront précis pour procéder auxdits états de répartition.
UNE RÉFORME EN 2019.
Dernière en date, l’ordonnance du 30 octobre 2019 issue de la loi Élan du 23 novembre 2018, portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis, va en partie consacrer les solutions jurisprudentielles antérieures. Notamment, s’agissant des charges de fonctionnement, il est désormais inscrit, la notion d’objectivité de l’utilité des services et des équipements pour chaque copropriétaire et ce, « dès lors que ces charges ne sont pas individualisées ». Il est également intégré la volonté du gouvernement « de tenir compte de l’existence de dispositifs de comptage individuels ». Il s’agira concrètement de compteurs individuels d’eau froide par exemple. Si cette ordonnance n’apporte pas de bouleversement des règles encadrant les modes de répartition des charges de fonctionnement. En revanche, elle pourrait avoir un impact plus important pour celles relatives aux charges générales, notamment par de nouvelles dérogations légales imputant certaines charges au seul copropriétaire concerné. L’un des apports de la loi Élan était de consacrer expressément la possibilité de créer des parties communes spéciales en introduisant un nouvel article 6-2 dans la loi du 10 juillet 1965, création indissociable de l’établissement de charges spéciales. L’ordonnance du 30 octobre 2019 prend donc en compte cette consécration en venant préciser que les copropriétaires « sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes, générales et spéciales ». Naturellement, on interprétera la participation aux charges spéciales des seuls copropriétaires ayant la propriété indivise de parties communes spéciales affectées à leur usage. En réalité, le changement le plus important tient au fait qu’à compter du 1er juin 2020, tous les règlements de copropriété devront indiquer les éléments pris en considération et la méthode de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges. À n’en point douter, les charges de copropriété sont un terreau fertile qui donnera encore lieu à d’autres contestations qui obligeront le législateur à intervenir pour tenir compte de la réalité toujours mouvante.