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Vente immobilière et vices cachés :
quelle responsabilité des divers intervenants à l’opération de vente ?

Acheté un bien aujourd’hui est moins risqué que par le passé, du fait des nombreux certificats et diagnostics auxquels est tenu le vendeur. Pour autant, il serait dangereux pour l’acquéreur de s’en contenter. Nombre de défauts, non décelables lors des visites préalables à l’acquisition, ne se détectent qu’au moment de l’occupation effective des lieux. Or, la découverte tardive d’un vice caché peut engendrer des travaux couteux et imprévus pour l’acquéreur, confronté dans la plupart des cas à un emprunt. Il n’est pas sans protection légale, tant les acteurs contribuant à la conclusion de cette vente sont nombreux. Le vendeur étant entouré de professionnels (expert, agent immobilier, notaire), il convient d’examiner dans quelles conditions sa responsabilité est mise en jeu et d’autre part, si cette responsabilité peut être partagée voire transférée à ces autres intervenants.

S’agissant du vendeur, la principale garantie dont il est redevable est celle des vices cachés prévue à l’article 1641 du Code civil.

Les conditions de mise en œuvre de cette garantie supposent la démonstration de l’existence d’un vice, d’une certaine gravité, caché et antérieur à la vente. L’acquéreur dispose d’un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice pour solliciter soit l’annulation de la vente (action rédhibitoire) soit la réduction du prix de vente (une action estimatoire), outre des dommages et intérêts. Toutefois, la pratique notariale vise à insérer une clause de vente dite « en l’état ». Cette dernière signifie que l’acquéreur prend le bien tel qu’il le trouve et qu’il fera son affaire des vices cachés qu’il pourrait découvrir par la suite. Dès lors, en présence d’une telle clause, le vendeur n’est pas tenu de garantir les vices cachés à moins qu’il ne soit prouvé qu’il en avait connaissance. Communément la jurisprudence distingue le vendeur professionnel du particulier.

  • Concernant le vendeur non professionnel, la clause de non garantie sera exclue s’il est démontré sa mauvaise foi ou à tout le moins, sa simple connaissance de l’existence du vice. (Cass. 3ème 29 juin 2017 n°16-18087)
  • A l’inverse, il pèse sur le vendeur professionnel, une présomption irréfragable de la connaissance du vice de la chose vendue (Cass. 3ème 29 juin 2017 n°16-18087).

Le professionnel visé est par essence le marchand de biens. Par ailleurs, d’autres personnes peuvent être considérées comme tel à certaines conditions. Concernant, le professionnel du bâtiment vendeur, sa simple qualité de professionnel ne saurait suffire ; le vice doit relever de son corps de métier. Concernant les SCI, le seul objet social ne suffit pas, les juges regardent l’expérience et la pratique des associés de la SCI. Ainsi, la traditionnelle SCI familiale sera exclue de cette qualification. Enfin, la jurisprudence récente illustre les dangers auxquels peut se trouver confronté le vendeur-bricoleur qui peut être assimilé au vendeur professionnel parce qu’ayant lui-même conçu et installé un équipement défectueux. Il perd ainsi le bénéfice de la clause exonératoire de garantie (Cass. 3ème 9 février 2011 n°09-71498).

S’agissant de l’agent immobilier, sa principale obligation est celle d’information et de conseil.

Sa qualité d’intermédiaire implique non seulement qu’il délivre loyalement toutes informations en sa possession de nature à influer la décision de l’acquéreur mais aussi, qu’il se renseigne lui-même sur tous les points d’une certaine importance pour en garantir l’exactitude. En témoigne, une décision récente qui a retenu la responsabilité d’un agent immobilier, rédacteur d’un compromis, faisant la simple mention d’un sinistre antérieur relatif à des fissures et mentionnant lapidairement que des réparations ont été réalisées. En agissant ainsi, l’agent immobilier a manqué à son obligation d’information et de recherches sur le bien vendu, puisqu’il n’a pas vérifié les déclarations du vendeur et n’a pas éclairé l’acquéreur sur les risques que comportait l’acquisition dudit bien. (3ème 14 décembre 2017 n°16-24170).

Ainsi, il doit informer des vices apparents du bien immobilier vendu, qu’en sa qualité de professionnel de l’immobilier, il ne peut ignorer. Par exemple, il doit attirer l’attention des acquéreurs sur l’origine vraisemblable des fissures apparentes et sur leur gravité potentielle pouvant affecter la structure de l’immeuble (3ème 8 avril 2009 n°07-21910). Pour autant, la jurisprudence exige que l’acquéreur se montre normalement vigilant. Autrement dit, l’obligation d’information de l’agent immobilier s’arrête là où commence celle de se renseigner. Ainsi, l’acquéreur profane est tenu de se livrer à un examen normalement attentif de la chose. Les applications jurisprudentielles du devoir de vigilance sont nombreuses et trouvent leur fondement dans l’article 1642 du Code civil, lequel dispose que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».

Cependant, sa responsabilité ne pourra être recherchée en présence de vices cachés dont il ignorait l’existence (Cass. 1ère 16 janv. 2007, n° 04-12.908). Cette limite le distingue du « vendeur professionnel » (marchand de biens) et du professionnel de la construction.  En effet, il n’a pas les connaissances techniques d’un expert en bâtiment et ne saurait être considéré comme tel. A noter que le vendeur condamné sur le fondement de la garantie des vices cachés à restituer tout ou partie du prix ne peut agir lui-même contre l’agent immobilier, cette restitution qui replace les parties dans l’état initial n’étant pas un préjudice indemnisable (Cass. 3ème 29 mars 2018 n°17-13.157)

S’agissant du notaire, son devoir de conseil est renforcé

Ce devoir est lié à son statut d’officier ministériel. Techniquement défini comme le devoir incombant au notaire d’éclairer les parties sur le sens et la portée de l’engagement pris, le notaire ne saurait tirer argument des compétences personnelles des parties à l’acte (même si le client est notaire lui-même), ou de ce que l’une d’entre elles à déclarer renoncer à son droit au conseil. Outre un devoir de conseil au sens classique du terme, il lui incombe désormais un véritable devoir de curiosité. Cette obligation nouvelle lui impose d’accomplir toutes les investigations et toutes les vérifications nécessaires à la validité et à l’efficacité de l’acte, notamment s’il existe une publicité légale accessible (Cass. 1ère 16 octobre 2013 n°12-24267). La Cour de cassation a illustré ce devoir en reprochant au notaire d’avoir ignoré un arrêté portant constatation de l’état de catastrophe naturelle, prenant en compte ses connaissances personnelles ; la proximité de son étude, la publication de l’arrêté ministériel dans la presse locale… Cette exigence est telle que la seule circonstance de la faute intentionnelle commise par le vendeur ne prive pas celui-ci de son recours contre le notaire, lequel a activement contribué à la rédaction d’un acte dolosif. (Cass. 1ère 11 janvier 2017 n°15-22776)

Enfin, s’agissant des diagnostiqueurs (amiante, état parasitaire) leurs obligations s’apparentent à une véritable obligation de résultat.

Ainsi, le diagnostiqueur ayant établi un état parasitaire erroné, a dû réparer le préjudice matériel né du coût des travaux de réparation des dégâts causés par les insectes et le préjudice de jouissance subi par les acheteurs. (Cass. ch. mixte 8 juillet 2015 n°13-26686)